Etonnant est le silence de la majorité des journaux et médias algériens et autres sur la marche contre le terrorisme à Azeffoun. Une marche courageuse et sincère contre, pas seulement les terroristes activant dans la localité et en Kabylie (terrorisme résiduel nous chantent-on depuis 2009), mais aussi contre les autorités irresponsables ou complices, selon.
Quand plus de 500 personnes sont sorties pour dé-jeûner en public et braver un tabou social et politique, des centaines d'articles furent commis, tachés d'insultes, de condamnation et d'incitation à la HAINE. Des milliers de menaces furent prononcées dans les réseaux sociaux à l'encontre des initiateurs. Aucune condamnation contre cette énième inquisition.
Suivit la mascarade des voyous islamistes, payés ou par zèle djihadiste, dépêchés d'Alger, lit-on, pour venir se courber le dos et exposer les derrières devant le monument de celui qui leur a toujours voué un combat sans relâche.
Mais il faut l'avouer, il y avait aussi des musulmans kabyles "modérés". Mais par manque de culture démocratique et du sens commun, on arrive mal à accepter qu'il y ait des gens différents, qui pensent différemment. Après tout, ils y étaient là que pour manger et boire. Mais est-ce rien ? Un geste banal ? Une provocation ou une réaction ? Manger et boire en public pendant le ramadan n'est qu'un symbole. Symbole de la volonté d'acceptation de la différence et le rejet de la dictature de la masse. C'était un front à ouvrir, qu’importe l’affiliation politique des initiateurs. Il est plus utile de dépasser nos cercles et castes pour débattre véritablement, sans crier à la chasse aux sorcières.
Le front fut ouvert, même si le débat, qui était censé aborder la question fondamentale de la liberté de conscience et de la laïcité, fut dévié.Nous savons tous que dans les lois traditionnelles kabyles si un individu mangeait en public on lui applique lextiya (une amende) ou on lui jette "l'opprobre". Mais, n'est-il pas temps de questionner certains éléments de la tradition qui ne sont plus de nos temps, surtout que ce n'est plus l'élément "vivant de la tradition" car il est sujet à débat donc au développement et/ou changement? Oui, on peut questionner, on doit questionner certains éléments traditionnels et même religieux pour établir un consensus et un dialogue d’égal à égal entre tous les citoyens. A noter que plusieurs éléments traditionnels sont puisés depuis des références exclusivement religieuses (islamiques).
La question de la liberté de conscience est difficile à aborder dans des pays où la "majorité" est endoctrinée depuis l'enfance par la famille et surtout par l'école. N'est-ce pas qu'on tente dès l'âge de 5 ans de faire de nous de "bons musulmans” ? De nous inculquer la peur, la soumission à allah, au prof, aux parents, aux adultes. N'importe quel pédagogue nous dira que le système éducatif algérien est un système défaillant. Nous a-t-on enseigné les religions d'une manière neutre et objective ? Nous a-t-on, pédagogiquement, intellectuellement, inculquer les principes de la libre pensée et de l'esprit critique ? L'esprit critique susceptible de nous libérer de toute idiologie aliénante et extrémiste, qu'importe sa source.
L’ignorance, sacralisée et constitutionalisée, -concept cher à l’islamologue Mohamed Arkoun-, détruit la société (sans généralisation de tous les individus) et la rend incapable de penser librement. L’ignorance sacralisée et constitutionalisée rend la société intolérante et répressive. Ce n’est pas seulement le régime qui réprime. La majorité le fait aussi, d’une manière ou d’une autre. Devrions-nous, citoyens libres et tolérants, accepter la répression de la majorité ? Non.
Quand j'étais adolescent, le seul fait d'entendre quelqu'un dire : je suis chrétien, me choquait. Je me sentais menacé et de ce fait je rejetais, sans dialogue, l'autre (chrétien). Je puisais mon extrémisme religieux au sein de la famille. Oui ! Ayons le courage de se l'avouer et de l'avouer également. Je puisais mon extrémisme du module de Terbiya Islamiya (éducation islamique) aussi.
Je suis convaincu que des millions d'algériens, conscients ou pas, le faisaient aussi. Dieu merci j'ai pu ouvrir les yeux et sortir de mon statut d'extrémiste, pas seulement religieux mais aussi idéel. Car après moi, le déluge, est un adage national.
Donc, un autre front reste à conquérir : l'école. Désinfecter l'école de la pègre idéologique et du diktat du religieux pour enfin transmettre un savoir utile pour un futur citoyen ouvert et tolérant. C'est ainsi que se construit une nation et un système social et politique sain et dynamique.
L'encre a encore coulé à profusion en faveur de la mascarade qui se voulait une contre manif pour une "Tizi Ouzou islamiya", "Imazighen musulmans". Ainsi, Imazighen ne se sont découverts éclairés et humains que lorsqu'ils furent musulmans ? Est-ce d'un cri qu'on efface les siècles de christianisme qui a prévalu en Afrique du Nord? Est-ce d'un "Imazighen musulmans" qu'on nient que des Imazighen furent chrétiens (il y en a encore), que des Imazighen furent juifs (il y en a encore), païens, non-croyants (il y en a encore), athée (il y en a encore)? Saint Augustin l’amazigh, pilier de la pensée chrétienne moderne, doit se retourner dans sa tombe. Ce n’est pas au nom de la dernière conquête que nous devons nier notre passé, à composantes diverses et riches, qui fait partie de notre aujourd’hui et demain. Ce serait de l’hérésie et une ignorance préjudiciable.
La liberté de conscience et/ou de penser n'est pas "un concept occidental" ou "étranger à notre culture", comme tentent certains de justifier. C'est un concept humain. Les humains pensent, les humains aspirent à la liberté et de penser et de croire ou pas. Cependant ils ont le droit d'être et de contribuer dans leur société malgré tout. A moins, encore une fois, nous leur nions leur humanité? Toutefois, diktat islamiste oblige, on entend souvent que les juifs, les chrétiens et les athées sont des cochons, qu'allah les maudisse, les fasse brûler en enfer...et ceci est diffusé sur la télé, depuis les haut-parleurs des minarets...etc. Voyons les choses comme elles sont sans faux-fuyants !
Nier la différence chez l'homme est nier l'humain en lui. L'essence même de l'humain est la différence et la diversité qui le rendent créatif et inventeur! Nous, citoyens modernes et civilisés, devons refuser le totalitarisme religieux, surtout dans l'espace public (Ecole, TV, les institutions de l'état, la constitution de l'état). L'état n'est pas un individu qui choisit son affiliation religieuse, mais une institution qui garantit le droit aux libertés religieuses, politiques et autres.
Si un seul citoyen dans un état est chrétien ou juif ou athée, ce même état ne pourra pas être musulman car il exclut UN citoyen.
Quant à la marche d'Azeffoun, elle n'intéresse pas grand monde. Sauf ceux qui en souffrent encore, pleurant leurs enfants tués par le totalitarisme religieux.
L'éloge, lors de la manif contre les dé-jeûneurs, fut réservé pour "la haine de la liberté et la volonté de tolérance". Mais qu'est-ce cette éloge transcrite sur des journaux qui dans un autre pays aurait disparu des étals et leurs responsable introduits en justice, vu leur incitation à la haine et au dénigrement.
Non, Ali Belhadj, n'a pas participé à la marche d'Azeffoun. Il excelle dans d'autres discours comme appeler publiquement à tuer les dé-jeûneurs. Quant au ministre des "affres religieuses" et le responsable du conseil islamique, ils feraient mieux de bouffer leurs budgets inutiles et se taire et ranger leurs versets et hadiths. Car, pour dénoncer le chômage, la corruption du régime et surtout demander des comptes à ceux qui n'ont jamais "jeuné", tels que Chakib Khelil, Bedjaoui...etc, ils nous ne sortent jamais des versets et des hadiths s'y référant. Quand il s'agissait des dé-jeûneurs, qalla allah, qalla arrasoul!
Nous suivrons cependant l'évolution des enquêtes des juges des pays laïcs, l'Italie et l'Angleterre, pour connaitre "nos scandales" d'ici, mais ailleurs. A moins que ce ne soit que de la diversion on a l’habitude d’ailleurs ! et ça terminera comme Khalifa et Co…
Ou plutôt, observons, consternés et émerveillés, l’avancée technique des Coréens, des Brésiliens, des Chinois, des Américains…Eux, ils ne sont pas empoisonnés et réduits à débattre : manger ou pas manger ? avec tout ce que cette expression signifie et représente.
Noufel BOUZEBOUDJA